JE ME SOUVIENS
Le 08 mai 2002 est gravé dans notre mémoire collective et restera toujours une journée mémorable dans l’histoire de notre Vidéotron ainsi que celle du SEVL-SCFP-2815. La menace de nous démanteler et réduire nos conditions de travail a été rejetée à 99,1% avec un taux de participation de 88%!
« Non au démantèlement de Vidéotron! »
Ce joyau du Québec qui allait demeurer à des intérêts québécois en annulant la vente à Rogers venait de changer les enjeux.
Tout avait été mis en œuvre : les techniciens étaient vendus à la sous-traitance et les employés furent traités d’obèses, de dinosaures, de voyous pour ainsi dénigrer la compagnie et nous faire croire qu’elle serait vouée à la faillite faute d’accepter d’anéantir nos conditions de travail. Nous étions alors invités à construire des « Igloos » et le lockout fut décrété. Nous n’avions pas d’autre alternative…
Ce fut une bataille épique dans l’histoire du syndicalisme au Québec! Treize mois d’endurance pour un conflit qui allait entraîner des répercussions importantes sur des familles québécoises. Pour faire face à ce combat, il a fallu que tous les membres soient convaincus de l’injustice à laquelle ils étaient confrontés. Nous avons dû faire preuve de courage, de solidarité et de résistance durant les longues heures de piquetage. Nous avons marché printemps, été, automne et hiver sans relâche. Ce n’était pas toujours facile mais nous avions la détermination et la persévérance.
Pendant que Star « Scab » Académie et d’autres émissions populaires battaient à plein régime, le Syndicat s’organisait pour pallier les besoins des familles en difficulté. Un mini entrepôt alimentaire au bureau du Syndicat a rapidement été organisé grâce aux dons et au support de d’autres sections locales du SCFP, de la FTQ, de d’autres centrales syndicales et même ceux de simples citoyens. Les services aux membres furent assurés par le Comité exécutif, les délégués ainsi que la structure de capitaines avec l’aide de plusieurs membres qui ont épaulé toute la chaine d’organisation au quotidien. C’est durant ces moments de vulnérabilité, face à l’adversité que plusieurs se sont découvert une force intérieure et ont mis de l’avant, l’entraide, mais surtout la générosité entre collègues. Il ne faut pas oublier la contribution des marcheurs du SEVL-SCFP-2815, qui ont bravé tous les défis pour marcher « Montréal-Québec » afin de faire entendre nos voix et sensibiliser ceux qui avaient contribué à notre sort, qui était, dans les faits, un enjeu politique financé à même les fonds de la Caisse de dépôt que nous avions siégé afin de conscientiser cette institution qui avait permis à Québecor de faire l’achat de Vidéotron pour finalement mettre des milliers de travailleuses et travailleurs en lockout. Ce sont tous ces petits et grands gestes d’empathie qui ont forgé notre avenir. Nous nous sommes tenus debout au quotidien, sans relâche, malgré les obstacles. Nous étions tellement mobilisés que nous parlions d’une seule voix, solidaire d’un combat que nous avions toutes et tous en commun.
Mais après cette tempête qui s’est abattue sur plusieurs familles, un climat politique, pro électoral, s’est installé et a permis qu’une entente négociée soit mise sur la table pour finalement permettre un retour au travail non imposé. Ensemble et unis, nous avons fait des compromis afin d’éviter la vente de techniciens pour ainsi conserver des emplois de qualité chez Vidéotron. Certes, nous avons perdu des plumes mais l’essentiel de notre victoire était que Vidéotron n’a pas été démantelée.
Le retour était loin d’être facile, car nous avons été dépouillés de notre environnement de travail. La promiscuité ainsi qu’une gestion austère ont pavé l’instauration d’une nouvelle culture corporative à la place d’une culture familiale. L’appartenance et la fierté furent remplacées par les profits. Dorénavant, c’était le virage pour les ventes accompagnées d’un climat malsain. Cette pression a poussé plusieurs de nos collègues à la détresse. Un travail colossal fut fait par le Syndicat et les Ressources humaines afin d’assainir le climat de travail. Il n’a pas été facile de rétablir le dialogue entre les parties.
Ce qui nous semble acquis aujourd’hui ne nous a pas été donné sur un plateau d’argent. Les gains et les conditions de travail dont nous jouissons ont été négociés et accordés pour le bien de la croissance économique, mais aussi pour que les travailleuses et travailleurs puissent en bénéficier. Heureusement, nous venons d’éviter, en juin dernier, une autre confrontation, et cela, pour le bien de tous. Profitons de cette accalmie et soyons conscients que nous sommes dans un contexte qui évolue rapidement et que la croissance fulgurante de Vidéotron est le moteur économique de l’empire médiatique. C’est assez ironique de constater que Vidéotron est maintenant le moteur économique de Québecor quand on nous disait, il y a 20 ans, que l’entreprise était vouée à la faillite.
Ce témoignage se veut une rétrospective sur le conflit qui a marqué nos vies pour préserver nos conditions de travail et souligner la contribution des travailleuses et travailleurs qui nous ont quittés de manière volontaire ou involontaire, passant le flambeau avec fierté à celles et ceux qui continuent à contribuer à l’essor économique de Vidéotron. Vingt (20) ans plus tard, nous sommes tous, jeunes et moins jeunes, les fiers bâtisseurs de Vidéotron.
Treize longs mois où les employé(e)s syndiqué(e)s ont démontré leur courage et leur force plus que jamais motivés pour garder une entreprise québécoise avec de bonnes conditions de travail.
Treize longs mois tissés d’entraide et de générosité, d’un dur labeur de la structure syndicale mise à l’épreuve, mais toujours présente pour répondre aux divers besoins de ses membres.
Treize longs mois unis et soudés en créant des liens indéfectibles et des amitiés qui perdureront bien au-delà du retour au travail.
Finalement prêtons hommage à tous ceux qui ont quitté, aux congédiés, au soutien historique des autres Syndicats, un merci particulier aux membres de Gatineau, merci à toute la structure syndicale et de capitaines. Bref, merci, à toutes ces personnes qui ont fait partie de l’histoire de Vidéotron et du Syndicat des employé(e)s de Vidéotron Ltée. Leurs sacrifices n’étaient pas en vain, car leur legs avait pour but d’assurer un filet de sécurité pour les prochaines générations de travailleuses et travailleurs chez Vidéotron.
Ce lock-out aura fait naître une nouvelle génération d’employé(e)s solidaires qui ont appris que tout est possible dans l’adversité en se tenant main dans la main et en criant d’une seule voix. Mais rien n’est acquis… Le climat demeure fragile puisque dans ce monde Virtuel, on est à la merci d’un clic pour faire basculer nos jobs! Et si jamais ce scénario se représente, ce sont tous les employé(e)s syndiqué(e)s du SEVL-SCFP-2815 d’y être collectivement les acteurs de premier plan.
Bien que celles et ceux qui se rappellent du 8 mai 2002, comme étant une période sombre de leur vie, il demeure que celle-ci nous a rendu plus forts face aux défis de la vie. Il est clair que notre vision sur la Compagnie a changé. Comme le dit le slogan du Québec : « Je me souviens ». Souvenons-nous de notre parcours pour le maintien de nos conditions de travail et la pérennité de Vidéotron, car ceci restera toujours possible grâce à l’implication des membres de notre grand Syndicat, et ce, à la hauteur de notre détermination et du respect que nous méritons.
Le Comité exécutif du SEVL-SCFP-2815
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